La place de la question animale dans les écolieux

Bonjour à tous ! Voici un texte publié sur Permatheque par Frédéric Mesguich sur la question de l’élevage. Orienté, mais la parole est ici ouverte à tous. Dans l’espoir de voir naitre un débat constructif, et peut être améliorer le respect porté aux animaux dans certains élevages, nous validons ce texte, documenté et bien rédigé. Une excellente lecture à tous.

Les écolieux fédèrent des personnes autour des valeurs d’altruisme et d’équité. Chaque personne part d’un point de départ différent et doit pouvoir choisir sa voie et son rythme, sans subir de pressions. Nous n’allons donc pas demander à tou·te·s nos membres de cesser de participer à l’exploitation animale, mais cette dernière a un statut particulier qui mérite qu’on s’y attarde.

En effet, contrairement au racisme, à l’homophobie ou au sexisme, la question de l’exploitation animale est encore très largement ignorée dans notre société. Nous allons donc ici sortir de valeurs faisant consensus.

Incarner collectivement un idéal, agir pour le faire advenir (ou les deux) ?

Nous sommes convaincus que l’émulation de groupe et la présence de végétarien·ne·s parmi nous permettra d’aider d’éventuelles personnes souhaitant limiter leur participation à l’exploitation animale.

En terme d’efficacité pour les causes animale ou environnementale, séparer des végétarien·ne·s du reste de la société diminuerait leur influence et serait donc contre-productif. De plus, éloigner des personnes mangeant des animaux n’a aucun intérêt altruiste puisque cela permettrait seulement de ne plus être confronté à la participation à l’exploitation animale, sans pour autant l’empêcher.

Il peut cependant exister des événements ou des projets d’habitat (entre autre) ou l’exploitation animale ne serait pas bienvenue. L’empathie envers les animaux peut en effet rendre très désagréable la vue de leur consommation, comme pourrait l’être pour chacun·e la vue de la consommation de chair humaine.

La suite du texte tente d’exposer brièvement pourquoi de nombreuses personnes pensent qu’il existe une oppression animale et que celle-ci est contraire à nos idéaux d’altruisme et d’équité.

En quoi l’exploitation animale s’oppose à l’égalité et l’altruisme ?

L’équité et l’altruisme envers les animaux

La question centrale sur l’existence d’une oppression animale est : L’animal est il un « autre » convenable pour être sujet de notre altruisme et notre recherche d’équité ?   L’altruisme nous pousse par exemple à rechercher le bien de l’« autre ». La règle d’or de la déontologie demande de « ne pas faire à l’autre ce qu’on ne voudrait pas qu’on nous fasse ». La morale utilitariste nous pousse à faire en sorte que les conséquences de nos actions maximisent le bien-être et minimise la souffrance de soi et de tous les « autres » pouvant être affecté·e·s.

Hors, si la bienveillance devait être forcément réciproque, la bienveillance envers les personnes que nous ne rencontreront jamais (ex : habitants du bout du monde ou générations futures) ou n’ayant pas les capacités cognitives de nous rendre la pareille (ex : bébés ou personnes ayant un lourd handicap mental) n’existerait pas. Lorsque nous sommes enfants ou que notre propre intérêt ne guide pas nos choix moraux, nous sommes volontiers prêts à admettre qu’il n’est pas moral de faire souffrir un chat ou un lapin. En effet, nous considérons alors que s’il est moral d’éviter la souffrance de l’autre, alors chaque individu pouvant ressentir cette souffrance est un « autre » valable.

Les capacités de conscience, de ressentir des émotions, de faire des choix, ou de ressentir la douleur sont largement répandues dans le règne animal, en particuliers chez les mammifères, les oiseaux ou les poissons. Il ne s’agit pas de capacités binaires, mais d’une graduation de capacités, par exemple à être conscient de sa propre existence ou à ressentir de l’empathie pour d’autres individus. Les découvertes  des dernières décennies des neurobiologistes ou spécialistes des comportements animaux sont par ailleurs passionnantes et enterrent complètement l’idée d’animal-machine formulée par Descartes et ayant facilité l’exploitation animale actuelle.

Si nous prenons en compte l’animal dont nous consommons le cadavre, il devient alors évident que les quelques minutes de plaisir gustatif que nous ressentons ne valent pas les souffrances qu’elles ont infligées durant l’exploitation et la mise à mort d’un animal qui avait la volonté de vivre.

Sur le seul critère de l’espèce, et non sur celui de leurs capacités cognitives ou sensorielles réelles, plus de 60 milliards d’animaux terrestres et de 1000 milliard d’animaux marins sont tués chaque année. Bien souvent, leur exploitation entraîne de telles souffrances que les personnes finançant cette exploitation refusent de s’informer ou de prendre en compte les conséquences de leur financement de cette exploitation.

Nul·le n’est libre sans avoir la connaissance des conséquences de ses choix. Il revient donc à chacun·e d’entre nous de se renseigner afin de choisir de participer ou non à l’exploitation animale. C’est la seule solution pour ne plus simplement suivre le « choix par défaut » ou la norme, qui ont toujours rendu « naturelles et normales » les pires injustices et oppressions (religieuses, esclavagistes, homophobes, racistes, sexistes…).

L’exploitation animale, source d’injustice envers les humains actuels et futurs

En outre, l’exploitation animale est également une source d’injustice envers d’autres humains dont nous nous approprions les ressources. Une alimentation carnée classique produit 2,5 fois plus de gaz à effet de serre que l’alimentation végétale. L’exploitation animale est responsable de 14,5% des émissions globales de gaz à effet de serre, devant le secteur entier des transports. La majorité de la production céréalière française, 75% des terres agricoles mondiales, 85% de la production mondiale de soja ou encore 70% de la production française de maïs servent à l’exploitation animale. Alors que 795 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, la consommation d’animaux ne cesse d’augmenter, s’accaparent les ressources en eau et en terre de nombreux pays pauvres afin de permettre une industrie qui consomme 8 fois plus de protéines qu’elle n’en fournit. Les dégâts sur la biodiversité sont immenses : le bétail pèse 95% de la masse de l’ensemble des 5500 espèces de mammifères terrestres.

Les océans ne sont pas en reste : 20% des animaux tués par la pêche servent à nourrir le bétail. Le nombre de poissons vivant dans les océans a diminué de 49% en 42 ans et les grandes espèces (thons, requins, espadons…) ont vu leur population divisée par 10.

 

 

Boycotter l’exploitation animale, c’est faire beaucoup pour l’”autre” et un peu pour soi

Nos valeurs d’équité et d’altruisme, qu’elles prennent en compte les injustices environnementales ou le bien être des humains ou des autres animaux, nous amènent donc à végétaliser au maximum notre alimentation (les laitages et les œufs étant une partie du problème). Les végétarien·ne·s, évitant les excès de la consommation française de produits animaux (et faisant probablement plus attention à leur alimentation que le reste de la population), vivent en moyenne plus longtemps et en meilleure santé. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, ayant récemment rendu public l’analyse des dernières contributions scientifiques à la nutrition, reconnaît l’absence d’intérêt des laitages sur la solidité des os et ne recommande pas de seuil minimal de viande rouge, tout en déconseillant d’en manger plus de 70 g par jour (soit 2,5 fois moins que la consommation moyenne française). Elle rejoint donc l’avis de la plus grande association mondiale de nutritionnistes, qui a établit que l’alimentation végétale équilibrée est adaptée à tous les âges de la vie.

 

Vous trouverez d’autres arguments et réponses aux questions (légitimes ou non) sur le site de vulgarisation scientifique viande.info ou encore sur vegan-pratique.fr.

Frédéric Mesguich, membre de Vers l’écolieu

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