La culture syntropique, développée par l’agriculteur et chercheur suisse Ernst Götsch, est une méthode agricole innovante qui intègre les principes de succession écologique et de coopération entre les espèces végétales, pour créer des systèmes agricoles résilients, productifs et durables. Cette approche se distingue par sa capacité à régénérer les sols, à augmenter la biodiversité et à améliorer la résilience des écosystèmes face aux changements climatiques.
Avant d’entrer dans une présentation écrite du sujet, suivie d’une conférence et d’un aperçu du premier ouvrage francophone sur le sujet, nous vous invitons à découvrir le retour d’Anaëlle Thery, sur son experience en agroforesterie syntropique :
Introduction à la Culture Syntropique
Origines et Philosophie
La culture syntropique s’appuie sur les observations d’Ernst Götsch sur les forêts tropicales et leur capacité à maintenir une productivité élevée et une biodiversité riche sans intervention humaine. Götsch a formulé l’hypothèse que la clé de cette résilience réside dans les interactions symbiotiques entre les différentes plantes et les cycles naturels de succession écologique. Il a donc développé des pratiques agricoles qui imitent ces processus naturels pour créer des systèmes agricoles durables.
Principes Fondamentaux
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Succession Écologique : Les plantes sont introduites dans un ordre qui imite les cycles de succession naturelle, depuis les espèces pionnières à croissance rapide jusqu’aux plantes de climax à long terme.
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Stratification : Les plantes sont disposées en plusieurs strates (couche herbacée, arbustive, arborée, etc.) pour maximiser l’utilisation de la lumière et des ressources disponibles.
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Coopération et Symbiose : Les interactions entre les espèces sont favorisées pour créer des synergies positives, augmentant la résilience et la productivité du système.
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Gestion Active des Plantes : La taille et la gestion des plantes sont utilisées pour stimuler la croissance et la régénération des sols.
Avantages de la Culture Syntropique
Régénération des Sols
La culture syntropique favorise la formation de matière organique et la structuration des sols. Les racines des plantes et la chute régulière des feuilles contribuent à améliorer la texture et la fertilité des sols, réduisant la nécessité d’apports extérieurs en fertilisants.
Augmentation de la Biodiversité
En imitant les écosystèmes naturels, cette méthode accroît la diversité des plantes, des insectes et des autres organismes. Cela crée des écosystèmes plus équilibrés et résilients, capables de mieux résister aux ravageurs et aux maladies.
Efficacité Énergétique
Les systèmes syntropiques utilisent de manière optimale les ressources disponibles (lumière, eau, nutriments), réduisant ainsi les besoins en énergie et en intrants. Cela se traduit par une agriculture plus durable et économiquement viable à long terme.
Résilience Face aux Changements Climatiques
La diversité et la complexité des systèmes syntropiques leur confèrent une grande capacité d’adaptation aux variations climatiques, rendant ces systèmes plus robustes face aux événements extrêmes tels que les sécheresses ou les inondations.
Mise en Pratique de la Culture Syntropique
Planification et Conception
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Analyse du Site : Évaluer les conditions climatiques, la topographie, les types de sols et la végétation existante.
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Choix des Espèces : Sélectionner des plantes adaptées au climat local et capables de jouer différents rôles dans le système (fixation d’azote, production de biomasse, protection contre l’érosion, etc.).
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Design du Système : Planifier la disposition des plantes en fonction des principes de stratification et de succession écologique.
Installation
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Préparation du Sol : Minimiser le travail du sol pour préserver sa structure et sa microbiologie. Ajouter des amendements organiques si nécessaire.
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Plantation : Introduire les plantes pionnières en premier, suivies des espèces intermédiaires et de climax selon le plan de succession.
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Gestion de l’Eau : Mettre en place des systèmes de collecte et de rétention de l’eau (baissières, réservoirs, etc.) pour optimiser l’utilisation des ressources hydriques.
Gestion et Entretien
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Taille et Élagage : Pratiquer une taille régulière pour stimuler la croissance et la production de biomasse, tout en favorisant la lumière pour les strates inférieures.
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Suivi et Ajustements : Observer régulièrement le système pour ajuster les pratiques en fonction des besoins des plantes et des conditions environnementales.
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Rotation et Diversification : Introduire de nouvelles espèces et pratiquer des rotations pour maintenir la santé et la productivité du système.
Exemples de réussite
Fazenda da Toca, Brésil
Située au Brésil, la Fazenda da Toca est une ferme modèle en culture syntropique. En intégrant ces principes, la ferme a réussi à transformer des terres dégradées en écosystèmes productifs, augmentant la biodiversité et la résilience tout en produisant des cultures commerciales telles que les fruits, les légumes et les noix.
Sur une propriété de 2 300 hectares située à Itirapina, à 200 km de São Paulo, elle se distingue par son engagement en faveur de la durabilité. Depuis 1971, la famille Diniz y rassemble ses forces pour non seulement envisager son avenir, mais aussi celui du Brésil. Cette ferme, riche d’une longue histoire, a connu diverses phases de production, allant de la culture des agrumes à l’élevage, et fut autrefois un centre notable de polo.
En 2009, Pedro Paulo Diniz a initié une nouvelle ère avec la création de la Fazenda da Toca Orgânicos. Il a transformé la propriété en un centre de production biologique à grande échelle, abritant aujourd’hui quatre principales activités : la production d’œufs biologiques sous gestion propre, ainsi que la production de lait biologique, de grains et de systèmes agroforestiers par le biais de partenariats.
Reconnu comme le plus grand producteur d’œufs biologiques du pays, la Toca joue un rôle crucial dans la dynamisation de la filière biologique en formant des producteurs et en augmentant la demande pour des intrants et des grains biologiques, tels que le maïs et le soja, essentiels à l’agriculture. La Toca est également devenue une référence nationale en matière de bien-être animal dans le secteur de la volaille de ponte.
En plus de son engagement pour le respect des animaux, de la nature et des personnes impliquées dans son processus de production, la Toca s’efforce de renforcer le secteur des produits biologiques. Elle contribue activement à structurer ce segment en expansion en diffusant ses connaissances et en formant d’autres producteurs. La Fazenda organise régulièrement des cours, des visites et des expériences immersives pour partager ses apprentissages en production biologique et encourager davantage de personnes à adopter des pratiques agricoles régénératrices pour notre planète.
Syntropia, Australie
En Australie, l’entreprise Syntropia applique la culture syntropique pour restaurer les sols et créer des systèmes agricoles productifs. Leurs projets démontrent que cette méthode peut être adaptée à différents climats et types de sols, offrant une alternative viable à l’agriculture conventionnelle.
Située sur la Gold Coast dans le Queensland, c’est une exploitation de 20 acres dédiée à l’agroforesterie syntropique. Issue de six années de recherche et développement à la ferme Gabalah Syntropic Farm, une nouvelle entreprise se concentrant sur la production de légumes, taro, bananes, ainsi que des essais pour les légumineuses, le riz et autres céréales. La ferme vise à partager des méthodes régénératrices et à résoudre les problèmes de sécurité alimentaire, tout en offrant des formations en agriculture syntropique.
Conclusion
La culture syntropique représente une avancée majeure vers une agriculture durable et résiliente. En s’inspirant des processus naturels, elle permet de créer des systèmes agricoles qui régénèrent les sols, augmentent la biodiversité et améliorent la résilience face aux défis climatiques. Que vous soyez un cultivateur novice ou expérimenté, intégrer les principes de la culture syntropique dans vos pratiques agricoles peut transformer votre approche et contribuer à un avenir plus durable pour l’agriculture mondiale.
Enfin, pour approfondir la question, une vidéo de présentation en concert avec Hervé Coves et Ernst Zürcher, pionnié de l’agriculture syntropique :
Une lecture sur le sujet :
Le premier ouvrage francophone dédié à la culture syntropique, une méthode agroécologique innovante, met en lumière cette pratique qui repose sur la production de biomasse et la création de microclimats.
Ces techniques apportent une meilleure résistance aux extrêmes climatiques, améliorent considérablement la qualité des sols et réduisent les besoins en eau. Ce livre, basé sur les expériences de terrain d’une pionnière de la syntropie en France, propose des méthodes adaptées à nos climats pour le jardinage, le maraîchage, la culture de petits fruits, d’arbres fruitiers et la production de bois. Il offre une réponse prometteuse aux défis du réchauffement climatique.
Contrairement aux pratiques agricoles traditionnelles qui tendent à simplifier les écosystèmes, la syntropie utilise l’accumulation de biomasse pour enrichir et restaurer la fertilité des sols. Elle se base sur des cultures associées très denses et diversifiées, organisées en succession temporelle : des légumes récoltés en quelques mois, des petits fruits en deux ans, des arbres fruitiers en dix ans, du bois de chauffage en quinze ans et du bois d’œuvre en deux cent cinquante ans.
Introduite il y a plus de quarante ans au Brésil par Ernst Götsch, la syntropie prend aujourd’hui racine en France grâce aux expérimentations menées par Anaëlle Théry en Dordogne, qui adapte ces principes à notre environnement local.