Et si les plantes avaient leurs propres médecins …

… Tout comme nous ?

Un manguier fiévreux. Un banian souffrant d’indigestion. Une plante grimpante épuisée par le « burn-out ».

Cela vous semble étrange, n’est-ce pas ? Pourtant, il y a des milliers d’années, l’Inde percevait le monde végétal exactement ainsi. Les arbres et les plantes n’étaient pas de simples « objets », mais des êtres vivants dotés d’une constitution, de maladies et de remèdes. Ils respiraient, vieillissaient, souffraient et guérissaient — tout comme nous. La science qui prenait soin d’eux s’appelait le Vriksha Ayurveda.

Bien avant l’ère des engrais chimiques et des cultures génétiquement modifiées, les sages de l’Inde ont rédigé des manuels entiers sur la façon de maintenir les plantes en bonne santé, productives et spirituellement alignées. Non seulement ils prescrivaient des fertilisants et des remèdes contre les parasites, mais ils décrivaient également les doshas chez les plantes (Vata, Pitta, Kapha), des rituels de transplantation, et même des méthodes pour produire des fruits sans pépins et des variétés naines.

En d’autres termes : les plantes avaient des médecins parmi les praticiens ayurvédiques.

Des racines dans les Védas (sciences / visions)

L’Atharvaveda (environ 2000-3000 avant notre ère) contient certaines des plus anciennes connaissances botaniques jamais documentées, répertoriant près de 300 plantes médicinales. Il y est rapporté que l’on chantait des mantras pour protéger les cultures, guérir les maladies et même préserver les graines de la décomposition. Un verset implore :

« Que les plantes nous protègent de la maladie, qu’elles nous préservent du déclin, qu’elles nous gardent de la mort prématurée. »(Atharvaveda 5.17.4)

De cette graine a germé une vaste tradition. À l’époque de l’Agnipurana (compilé plus tard), le Vriksha Ayurveda était déjà reconnu comme une branche distincte de la science agricole. Cette pratique était considérée comme si sacrée que planter un arbre était censé apporter les quatre objectifs de la vie — Dharma (devoir), Artha (richesse), Kama (plaisir) et Moksha (libération).

Imaginez cela : l’agriculture non pas simplement comme moyen de survie, mais comme voie spirituelle.

Les textes classiques du Vriksha Ayurveda :

Une chronologie de la sagesse botanique

  • Vers 400 av. J.-C. – Vriksha Ayurveda de Salihotra
    12 chapitres sur les types de sols (Anupa, Jangala, Sadharana), l’irrigation, la transplantation, les soins saisonniers et le légendaire fertilisant Kunapa Jala.
  • Vers 300 av. J.-C. – Arthashastra de Kautilya
    Directives pour les fonctionnaires d’État concernant la plantation d’arbres utiles, la gestion de l’irrigation et la collecte des impôts basée sur la santé des cultures.
  • VIe siècle – Brihat Samhita (Varāhamihira)
    Les cycles de floraison comme indicateurs de récolte ; l’astrologie pluviométrique.
  • VIe siècle – Amarakosha
    Lexique classifiant les sols, les terres et les outils agricoles.
  • VIIIe-IXe siècle – Krishi Sukthi (Sage Kashyapa)
    Méthodes détaillées pour la culture du riz.
  • VIe-VIIIe siècle de notre ère – Krishi Parasara
    Techniques de stockage des semences et conseils pour l’agriculture pluviale.
  • Vers 1000 de notre ère – Vriksha Ayurveda de Surapala
    13 chapitres sur le traitement des semences, la classification des plantes, les calendriers d’arrosage, la gestion des maladies et les techniques horticoles avancées.
  • Upavana Vinoda (Sarangadhara Paddhati)
    Aperçus sur la gloire des arbres, la sélection des sols et les méthodes de nutrition.

Ces textes révèlent un fil conducteur continu de connaissances botaniques où l’écologie, la médecine et la spiritualité s’entremêlaient harmonieusement.

Pour les anglophones (les sous-titres sont activables sous la vidéo) et sanskritophones, ou les plus téméraires d’entre vous :

Des techniques en avance sur leur temps

En parcourant ces instructions ancestrales, on découvre qu’elles sonnent étrangement modernes — parfois même futuristes.

1. Kunapa Jala – Le fertilisant miracle

Une concoction fermentée à base de viande bouillie, de sésame, de lentilles urad et de lait, enfouie sous terre pour fermenter. Après 10 jours, le liquide était dilué et versé aux racines des plantes.

Les études modernes confirment que le Kunapa Jala stimule la germination rapide, améliore l’absorption des nutriments et renforce l’immunité des plantes.

2. Le semis sacré des graines

Les graines étaient enduites de bouse de vache, de lait et de miel, puis recouvertes de Vidanga (herbe antifongique) avant la plantation.

C’était une protection naturelle contre les parasites, bien avant l’invention des fongicides chimiques.

3. L’arrosage selon les saisons

– Hiver : une fois tous les deux jours
– Printemps : quotidiennement
– Été : matin et soir
– Automne : seulement en l’absence de pluie.

Cette approche indique une irriguation adaptée au climat.

4. Les rituels de transplantation

Les racines étaient enduites de miel, de ghee ou de fibre de lotus. Les petites plantes étaient déplacées pendant la journée, les grandes uniquement le soir.

Cette pratique minimisait le choc — une technique que les horticulteurs recommandent encore aujourd’hui, souvent réalisé dans nos contrées avec du purin animal.

Quand les plantes tombaient malades

Le génie du Vriksha Ayurveda réside dans sa façon d’appliquer le diagnostic ayurvédique aux plantes, les traitant comme des êtres vivants avec des constitutions, des vulnérabilités et des remèdes — tout comme les humains.

Le déséquilibre Vata chez les plantes se manifeste par des troncs noueux, une croissance maigre et des fruits durs. Les remèdes incluaient l’irrigation avec de la graisse, de la chair et du Kunapa Jala, ainsi que la fumigation avec des feuilles de neem. Chez l’humain, le déséquilibre Vata se traduit par de la sécheresse, de la raideur et de l’irrégularité — douleurs articulaires, constipation et fatigue. Dans les deux cas, plantes et humains, la solution consiste à nourrir et lubrifier pour restaurer l’équilibre.

Le déséquilibre Pitta apparaît chez les plantes sous forme de jaunissement des feuilles, chute prématurée des fruits et perte de branches. Les remèdes impliquaient des traitements rafraîchissants et apaisants : décoction de réglisse, lait et miel. De même, chez l’humain, Pitta s’exprime par la chaleur, l’inflammation, l’acidité et l’irritabilité. Des mesures rafraîchissantes et calmantes aident à pacifier cette énergie ardente, que ce soit dans les feuilles ou dans le corps humain.

Le déséquilibre Kapha se manifeste chez les plantes par des plantes grimpantes excessives, des feuilles brillantes et de la stagnation, traité avec de l’eau de cendre de sésame ou des tourteaux de moutarde aux racines. Chez l’humain, le déséquilibre Kapha se traduit par de la lourdeur, de la léthargie et de la congestion. Dans les deux cas, l’objectif est de stimuler la circulation, d’encourager la croissance dans la bonne direction et de prévenir la stagnation.

Le Vriksha Ayurveda tenait également compte des causes exogènes — vers, gel, foudre ou feu — et prescrivait des remèdes naturels ciblés :

  • Vers → bouse de vache + Kunapa Jala
  • Dégâts du feu → cataplasme de boue + irrigation à la pâte de lotus
  • Chaleur excessive → aspersion de lait

Cette médecine écologique des plantes témoigne d’une compréhension profonde de la vie, de l’équilibre et de l’environnement, des siècles avant l’apparition du terme « agriculture biologique ». Elle nous rappelle que les mêmes principes qui régissent la santé humaine — nutrition, refroidissement ou réchauffement, stimulation et protection — peuvent être observés dans le monde végétal qui nous entoure.

Une biotechnologie ancestrale

Les innovations consignées dans le Vriksha Ayurveda sont véritablement stupéfiantes — des siècles en avance sur leur époque, alliant agriculture pratique et chimie naturelle. Nombre de ces techniques reflètent les pratiques horticoles modernes, bien que les matériaux et méthodes aient été entièrement naturels.

Fruits sans pépins : Les agriculteurs anciens créaient des fruits sans pépins en utilisant une pâte de racines de réglisse, de sucre et de fleurs de madhuka. Ces composés naturels influençaient probablement les voies hormonales de la plante, empêchant la formation de graines. Aujourd’hui, les horticulteurs obtiennent le même effet en utilisant des traitements hormonaux comme les gibbérellines et les auxines sur des cultures telles que les tomates et les pastèques (PMC). Le principe reste le même — manipuler la croissance — mais la méthode ancienne reposait entièrement sur des matériaux naturels d’origine végétale.

Variétés naines : En érigeant des piliers près des racines et en irriguant avec du lait, les jardiniers anciens contrôlaient la croissance pour produire des arbres compacts, semblables à des bonsaïs.

L’agriculture moderne produit des arbres fruitiers nains grâce à des techniques de greffe et de taille, ou en utilisant des régulateurs de croissance synthétiques (Orchard People).

Floraison perpétuelle : Pour encourager les floraisons toute l’année, les sages utilisaient un mélange de tourteau de sésame, jus de canne à sucre et bouse de vache, fournissant efficacement des nutriments et stimulant l’activité microbienne.

Aujourd’hui, la production florale est souvent manipulée en utilisant le contrôle de la photopériode, l’éclairage artificiel et les régulateurs de croissance chimiques (The Pharma Journal).

Contrôle des mauvaises herbes : Des branches d’Arka (Calotropis) placées dans les canaux d’irrigation supprimaient naturellement les mauvaises herbes, probablement grâce à des composés allélopathiques libérés dans l’eau.

L’agriculture moderne étudie l’allélopathie scientifiquement et s’appuie souvent sur des herbicides chimiques (PMC). La méthode ancienne obtenait des résultats similaires sans nuire à l’écologie du sol.

Contrôle des parasites dans les rizières : Les agriculteurs versaient du lait de cactus dans les entrées d’eau pour contrôler les parasites.

Aujourd’hui, des insecticides synthétiques sont largement utilisés dans les rizières (AgriTech KAU). Le concept — utiliser un agent ciblé pour contrôler les parasites — est identique ; la différence est que le Vriksha Ayurveda s’appuyait sur des substances naturelles et biodégradables..

Prévention de la chute des fruits : L’application d’asafoetida sur les racines empêchait la chute prématurée des fruits, probablement en stimulant l’absorption des nutriments et en régulant les hormones végétales.

Dans l’agriculture moderne, des auxines synthétiques comme le NAA sont utilisées pour contrôler l’abscission et retenir les fruits (Ontario).

Ces techniques anciennes étaient bien plus que de simples astuces de jardinage — elles constituaient une forme précoce de biotechnologie. En observant la physiologie des plantes, en manipulant des composés naturels et en respectant l’équilibre écologique, le Vriksha Ayurveda obtenait des résultats que la science moderne reproduit souvent avec des produits chimiques et des interventions en laboratoire. C’est un rappel que l’innovation durable centrée sur les plantes a des racines profondes dans l’histoire.

Plus qu’une science…

Planter n’était pas seulement un acte agricole — c’était sacré.

« Celui qui plante un arbre est considéré comme ayant accompli un sacrifice égal à cent yajnas. »(Vriksha Ayurveda de Surapala, trad. Nalini Sadhale, 1996).

Imaginez si aujourd’hui, planter un jeune arbre était considéré comme l’équivalent du plus grand sacrifice spirituel. Combien notre relation avec les forêts serait différente.qual to performing the highest spiritual sacrifice. How different our relationship with forests would be.

Une continuité dans les temps modernes

La sagesse du Vriksha Ayurveda a discrètement résonné avec les découvertes scientifiques ultérieures. Au début des années 1900, Jagadish Chandra Bose a inventé le Crescographe, un appareil sensible mesurant la croissance et le mouvement des plantes. Bose a démontré que les plantes réagissent au toucher, à la température, à la lumière et même aux vibrations musicales, et qu’elles enregistrent la douleur et le stress — confirmant ainsi la sensibilité longtemps observée par le Vriksha Ayurveda.

Aujourd’hui, le contraste est saisissant. L’agriculture industrielle, dominée par les monocultures et la dépendance aux produits chimiques, néglige souvent l’écologie subtile de la terre, causant l’épuisement des sols, la perte de biodiversité et la résistance aux pesticides. Pourtant, les principes du Vriksha Ayurveda — observer les constitutions des plantes, respecter les saisons, utiliser des biostimulants naturels et intégrer l’équilibre écologique — offrent une alternative holistique et durable.

Planter un arbre était considéré comme un acte sacré dans le Vriksha Ayurveda, et cela le reste dans l’esprit : c’est une offrande, un soin pour l’environnement et un pont entre l’humanité et le monde végétal qui nous sustente. En embrassant ces principes anciens, nous ne cultivons pas seulement des récoltes — nous restaurons une relation réciproque avec la nature, alliant sagesse ancestrale et responsabilité moderne

Explore Further

Voici un document du Dr B.K. Prashanth M.D (Ayu), Ph.D, en PDF à télécharger : Vriksha Yur Veda

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  5. Plant Lives: Borderline Beings in Indian Traditions par Ellison Banks Findly
    Approfondit la philosophie : comment les traditions indiennes conçoivent les plantes, leur sensibilité, les rituels et leur rôle dans la culture. Moins axé sur les spécificités agricoles, davantage sur la signification spirituelle et culturelle.
  6. Vriksayurveda par Rome Sircar (Auteur), N.N. Sarkar (Traducteur)
    Livre plus ancien combinant sanskrit et anglais ; bon pour les lecteurs intéressés par les textes scripturaires/formels. Peut être plus dense, mais riche en contenu traditionnel.
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    Pour ceux qui s’intéressent à la physiologie végétale, aux mouvements, aux réponses à l’environnement. S’attarde davantage sur l’aspect « scientifique » de la sensibilité et du comportement des plantes.

Sources & References

Atharvaveda (5.17.4) – prayers for plant protection.

Agnipurana – references to Vriksha Ayurveda.

Surapala’s Vrikshayurveda (English translation by Dr. Nalini Sadhale, 1996).

Vriksha Ayurveda by Salihotra.

Brihat Samhita by Varahamihira.

Arthashastra by Kautilya.

EasyAyurveda: Vriksha Ayurveda to Improve Plant Health.

Jugunu, Srikrishna – Vriksha Ayurveda (Chaukhambha Sanskrit Series, Varanasi).

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